Renseignements
sur l'orage du treize
juillet 1788, par le Sr Boncerf, Medecin
corresp[ondan]t a Etampes.
Le tonnerre s'est fait entendre dans notre
ville que trois fois, dans le mois de may en loin :
scavoir le 19, le 30 et le 31.
et dans le mois de juin il s'est fait entendre le
8, le 15 et le 18, mais faiblement, de sorte qu'il
y avoit lieu d'espérer que l'année ne seroit pas
orageuse
mois de juillet 1788 et météorologie de
tout ce même mois, conformément au
thermomètre et baromêtre de m. mossy
Le 13 juillet le thermomètre étant à 22 dès
le matin
et le baromètre étant 27 pouces dix lignes, le ciel
étant couvert au point que le peu de clarté qui regnoit
formoit une espèce d'eclipse, surtout a l'ouest, sur les
huit heures du matin les girouettes annonçoient que
le vent venoit du nord, sans cependant qu'il y eut
d'agitation dans l'air. a huit heures et demie, quelques
gros grains de grèle, sans être accompagnés d'eau,
ny
de tonnere, commencèrent à tomber pendant une
minute; mais la chûte en fut ensuite si précipitée
et
si augmentée, poussée par un vent / si / violent, ou ouragan
avec tonnere, le vent venant du sud ouest et ouest,
qu'en moins de dix minutes la terre fut couverte
de grèle. ce fleau, dans un si court espace de tems,
dépouilla les vignes, ravagea les campagnes, au point
que dans nombres d'endroits on n'a rien absolument
recolté ; les arbres ont été pelés dans
leurs tiges; et le
fruit qui n'a pas été entrainé étoit haché;
les vitres
a l'exposition du sud et de l'ouest ont été brisées,
les
couvertures en ardoises criblées et brisées, et une partie
des tuiles cassées. il faut se trouver dans une pareille
désolation pour en avoir une juste idée. après
cet orage on
entendoit des cris, des lamentations / sur / tout a cause des blessures
qu'avoient éprouvés les personnes qui étoient à
la campagne
où elles gardoient leur vaches et leur moutons, qu'elles ramenoient
a l'ecurie ou dans les bergeries ; quelques uns de ces animaux
ont été terrassés et dangereusement blessés.
Les cultivateurs, les
jardiniers poussoient les hauts cris; on voyoit le desespoir
peint sur leurs visages.
Quelques grains de grèle approchoient de la
grosseur / d'un / oeuf
de poule ; le plus grand nombre comme des oeufs de pigeons
mais presque tous ces grains ou étoient pointus, ou tranchants
et
élastiques. a mesure que la grèle / tonboit / le ciel
s'eclaircissoit ; l'eau avoit
accumulé la grèle dans quelques endroits au point qu'il
y
en avoit plusieurs pieds ; là elle se formoit en glaçons
et en differentes
masses ; ce qui a persuadé quelques personnes que ces glaçons
étoient tombés sous ces différentes figures. tout
ce qui est probable
vû que les grains n'etoient pas arrondis, comme a l'ordinaire
c'est parce qu'ils n'avoient pas été balotés dans
les courants
et regions glaciales. car les pierres et les silex mêmes s'arrondissent
dans le cours des rivières et des torrents. je comprends cependant
que la grèle peut former quelques aggrégations en passant
par
quelques regions ; néanmoins la forme circulaire doit dominer
a cause du frotement en tout sens. cette grèle a tué un
grand
nombre de perdrix et de lièvres : le jour de l'orage et les jours
suivants, les gens de la campagne en apportoient des paniers
pour vendre. quoiqu'il y ait eu nombre de personnes blessées
ainsi
que des vaches, des chevaux et des moutons, un très petit nombre
a succombé sous les coups ; mais quelques uns ont pu mourir
des suites de leurs blessures.
La masse de la nuée de grèle / tenoit / depuis chateaudun
en deça de
chartres, dans les environs d'auneau** où elle a fait sa grande
explosion. a mesure qu'elle faisoit sa décharge, il s'est fait
un
vuide dans l'air qui a donné / cours / a un vent du nord et nord
est
qui a paru sur les huit heures. ce vent a séparé cette
nuée dont
une portion a été dirigée vers Rambouillet, apr
l'attraction des collines
et des bois ; l'autre portion qui a tét soutenue et élevée
par ce vent
de peu de durée , a contenu son explosion pendant environ un
quart d'heure, pendant lequel tems la nuée a passé sur
une partie
de la Beauce sans faire de décharge ; elle a commencé
à la faire
à une demie lieue d'etampes à l'ouest ; elle a foudroyé
et a ravagé
deux lieues de terrein en largeur sur quatre a cinq en longueur.
Ce vent nord est qui est survenu a préservé dans les plaines
de
Beauce un terrein d'environ cinq lieues en largeur sur neuf a dix
en longueur, de manière qu'il semble que ce soit une espèce
d'île
préservée. les phisiciens qui comptent sur l'efficacité
des paratonnerres
ne se sont sûrement jamais trouvés dans les foudres et
orages où il
semble que la nature va être bouleversée ; je ne doute
pas que si
l'electricité / se portoit avec impétuosité / sur
les barres et conducteurs, dans les moments
d'embrasement, elle ne brisoit toutes les machines en formant un
torrent qui détruiroit la base de cet édifice et de ceux
qui seroint adjacents.
Cette nuée de grèle a tenu une marche différente
des autres ;
elle est venu du sud ouest, tandis que celles qui affligent nos
cantons viennent du sud et sont presque toujours arrêtées
et reflechies par les forêts de Louis et de Dourdon et reprennent
une direction du sud ouest vers le nord est, de sorte que
ce sont presque toujours les mêmes cantons qui éprouvent
ces
ravages lorsqu'il survient des nuées de grèle. il semble
que
ces vallons, et les bois lui tracent cette marche.
NDLR
* Les archives de la Société Royale
de Médecine contiennent de nombreux documents météorologiques;
nous n'en présenterons ici qu'un seul par secteur géographique
afin de ne pas être simplement redondant avec leur fonds. Pour
consulter les autres archives météorologiques nous vous
invitons à vous rendre sur le site http://meteo.academie-medecine.fr/.
** Il s'agit de la commune actuelle d'Auneau-Bleury-Saint-Symphorien.
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